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Tharbad (5)

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Assise sur le bord du lit, Hiragil ne savait précisément où arrêter son regard, sauf qu’elle était certaine de ne pas vouloir regarder Issil dans les yeux.
– « Que sais tu de moi Issil ? J’ai la peau mate et un accent indécrottable qui signifie que je viens du Gondor. Je sais lire donc je viens de la classe supérieure, certainement la noblesse puisqu’un marchand n’aurait pas pris le risque d’éduquer sa fille. Cette hypothèse est confirmée par le fait que je sache me battre : on apprend aux filles à se battre que quand il n’y a pas de fils pour le faire – je suis fille unique. Tout ceci est presque évident. »
Issil acquiesça sans un mot.
– « Tu te doutes que j’ai plus fui le Gondor que je ne l’ai quitté, sinon j’y serai déjà retournée pour voir une famille ou des amis. Tu ne m’as jamais rien demandé sur mon passé. C’est une délicatesse qui m’en a toujours dit long sur toi. C’est pourquoi aujourd’hui je vais te dire le secret que ne connaissent que quelques proches amies. Tu pourrais facilement t’en servir contre moi, si tu le voulais… je n’y survivrai pas plus de quatre lunes, je crois. »
Issil resta parfaitement immobile, comme s’il posait pour un peintre qui voulait faire un tableau sur la patience attentive d’un inquisiteur. Hiragil inspira profondément avant de reprendre :
– « J’ai vu Père mourir d’une flèche parce que je n’ai pas levé mon bouclier assez vite. Nous défendions Pontis contre un raid de pirate. L’attaque de nuit était dangereuse ; l’attaque d’un village pauvre improbable ; je n’ai pas trouvé d’autres flèches dans tout le village une fois le soleil levé. Mère était effondrée ; les destructions étaient importantes ; notre suzerain ne nous a pour ainsi dire pas aidés ; je n’ai pas pu faire face seule. Le remariage de Mère avec le seigneur Catenet était la seule solution pour éviter la misère à nos gens. »
En finissant sa phrase, la voix de la jeune femme était vibrante d’émotion.
– « Je n’étais ni sa fille, ni sa bru, juste une porteuse de sa descendance qui, avec un peu de chance, aurait le bon goût de mourir en couches. Mère semblait se satisfaire de cette situation, mais son mari l’humiliait. Peu avant mon mariage avec son abjecte progéniture je résolu de partir le plus loin possible. Mais je devais récupérer la bague-sceau du Corbeau, celle de mes ancêtres, qui assurait à Catenet sa légitimité sur la seigneurie de Pontis. Le soir de mon départ, je me suis glissée dans ses appartements, repris la bague-sceau… et je l’ai poignardé sous les yeux de Mère. Elle est restée coite de surprise suffisamment longtemps pour me permettre de quitter le bâtiment du logis principal. Je n’ai pas pris le temps de lui faire mes adieux. Je ne suis jamais revenue : la justice du Gondor n’est pas très large d’esprit dès que l’on touche à sa noblesse. »
Hiragil fit une courte pause avant de conclure :
– « En ville tout à l’heure j’ai vu quatre sergents qui portaient le blason de Catenet. Voilà mon problème.
– Je comprends le problème maintenant. Tu soupçonnes Catenet d’avoir orchestré toute cette affaire : le caractère singulier de l’attaque des pirates, l’arrivée d’un sauveur providentiel. Je dirai que le double mariage inutile du père et de la mère du fils et de la fille est l’erreur qui le trahit absolument.
Issil se tourna vers la porte et, la main sur la poignée, reprit :
– Tes cheveux sont le révélateur le plus évident de ton identité. Tu dois couvrir ta tête tant que nous sommes à Tharbad. Sans cela je suis incapable de garantir votre sécurité à toutes les deux. Je dirai à la caravane que je veux éviter la convoitise que ta jeunesse attire. Maintenant, viens. Allons voir pourquoi ta chère sœur n’est pas encore revenue. »
Il laissa Hiragil seule dans la chambre. Raconter son secret lui a ramené en mémoire un épisode de sa vie qu’elle préférait oublier. Elle avait besoin de quelques instants pour dépasser son mal à l’aise. Quand elle se sentit prête elle sortit de la chambre et vit du balcon Shaela et son père attablés avec Beorend. La discussion ne semblait détendue, ce qui n’était pas la situation attendue, alors elle s’approcha tête couverte, curieuse de connaître les tenant et aboutissant.

Comme elle approchait, Shaela se leva et laissa sa sœur s’installer entre elle et son père. Son visage était souriant mais ses sourcils légèrement froncés laissaient apparaître la gravité de la discussion :
– « Il faut que nous parlions. Assied-toi.
Intriguée par la tournure des événements, Hirilil s’assit. Shaela reprit :
– Beorend est notre ami, enfin je crois. Il connaît bien la fouine. Il a autant de raisons de te détester qu’il en a de le haïr.
Tous les regards se tournèrent vers Beorend.
– Mon oncle est mort pour vous avoir protégée ; je n’en connaissais pas les motivations. Je respecte sa mémoire en haïssant la fouine et en faisant en sorte qu’il ne soit pas mort pour rien.
Hiragil prit vite la mesure de la situation et prit une pose altière qui convenait à sa condition de noble. Elle glissa vers l’avant sa main portant la bague-sceau du Corbeau afin qu’il puisse bien la voir.
– Je suis la fille du Corbeau. Je vous remercie pour ces paroles Beorend. Sachez que je me considère comme votre débitrice.
Elle marqua un temps de pause.
– Je ne suis donc pas la seule à être curieuse de savoir ce que trafique la fouine autant au nord. Malheureusement Beorend et moi pourrions être reconnus par les gens de Catenet. Shaela, Issil, il n’y a que vous qui puissiez nous renseigner.
Elle regarda alternativement ses deux voisins pour leur demander d’un regard s’ils acceptaient de se charger de cette mission. Beorend brisa cette communication silencieuse d’un toussotement :
– Excusez-moi Hirilil, mais ne voulez-vous pas savoir ce qu’il advient de votre mère ?
Hiragil fit un sourire très embarrassé au chef de la caravane.
– Connaissez-vous Aerdhill ? Il était le lieutenant de Père. »

Tharbad (4)

imageLa porte s’ouvrit brusquement et Issil s’engouffra dans la chambre tout en refermant la porte derrière lui, le souffle court et l’œil inquiet.
– Que se passe t-il ?
– Eh bien Issil, aurais tu oublié tes manières ? Lui répondit Sharilaa l’œil mutin et le sourire aux lèvres plus pour détendre son amie que pour embarrasser Issil qui venait instantanément de prendre quelques couleurs avant de se reprendre en maugréant.
– Ne te joue pas de moi, et ne m’oblige pas a te remémorer la fois où tu avais entendu crier et….

– Issil ! On a un problème ! Coupa Sharilaa d’une voix un peu forte et légèrement paniquée. Elle…elle a vu des mercenaires qu’elle a reconnu.

– Quoi? Qu’est ce que cette histoire? Et pourquoi êtes vous allées en ville ? Des mercenaires? Issil avait repris tout son sérieux et enchaînait les questions en dévisageant les deux femmes.
Hiragil sourit devant les deux vieux amis qui semblaient maintenant plus inquiets qu’elle.
– Calmez vous, l’affaire est peut être sérieuse mais je ne cours pour le moment aucun péril. Et se retournant vers Issil ajouta : il faudra que tu me parles de cette histoire avec Sharil…Shaela
Sharilaa soupira, les yeux braqués sur Issil qui comprit instantanément qu’il s’exposerait à un châtiment exemplaire.
– Pour le moment c’est de ton histoire qu’il s’agit Hirilil. Raconte la donc à Issil tandis que je vais demander qu’on nous fasse monter un bac d’eau pour me débarrasser de la puanteur de cette ville.
Hiragil s’assit sur le lit et commença son histoire évoquant son village Gondorien alors que Sharilaa quittait la chambre pour descendre dans la taverne.

La salle principale s’était déjà emplie, des rires éclataient au passage des serveuses qui se faisaient taquiner, des négociations se menaient bon train parmi les marchands et quelques habitués jouaient aux dés entre les nombreuses chopes de bières qui couvraient leur table. Sharilaa, d’un coup d’œil rapide fit le tour de la salle mémorisant les visages inconnus tout en estimant la menace possible et se dirigea vers le tenancier pour lui demander de monter un bain et une grosse assiette de ce qui mijotait dans la cheminée et du vin dans sa chambre. Elle aperçut le regard de Beorend braqué sur elle et, feignant la désinvolture, échangea avec le patron quelques mots légers pour le faire sourire, effaçant ainsi toute tension dans son échange.
Beorend semblait toujours aux aguets, certes Tharbad était plus un repaire de voleurs et de mercenaires qu’une paisible ville marchande mais Sharilaa savait qu’elles étaient,elle et Hiragil, le principal sujet de cette observation, peut être pouvait elle se servir de cet intérêt afin de ne pas s’exposer mais trop de questions habillaient encore ce meneur de caravane. Il fallait qu’elle en sache plus. Ami, ennemi ? Quels étaient ses intérêts ? Pouvaient elles se reposer sur lui où devaient elles s’en méfier?
Résolue à en savoir plus, elle se dirigea vers lui en tenant deux verres qu’elle posa sur la table avant de s’asseoir face à lui.
– De tous les clients vous êtes le seul à boire en compagnie d’une chaise vide. Ne trouvez vous pas cela inquiétant?
Un léger sourire se dessina éclairant ses yeux noirs sous ses mèches.
– Je m’inquiète pour mes marchands et « marchandes » qui me paraissent bien agités.
– Ah des problèmes?
– Je ne sais pas encore, mais peut être en saurais je plus bientôt.
– Mmmh, il est vrai que cette ville grouille de gredins de toutes sortes, j’en ai eu l’amère expérience quand vous m’aviez suivie. Vous semblez bien connaître la ville, êtes vous d’ici?
– Pas exactement.
– Pas exactement… Repris Sharilaa avec le même ton et accent. Un x prononcé presque comme un s, le a légèrement traînant et ouvert… Même si vous faites des efforts pour masquer votre accent je crois connaître la région qui vous a vu grandir. Je pencherai pour une famille de basse condition vivant près de la mer dans le sud du Gondor.
Le sourire de Beorend s’effaça tandis qu’une petite ride marquait le coin de ses yeux. Il prit une gorgée de vin et se pencha vers Sharilaa.
–  Vous avez raison. J’ai grandi dans un village de pêcheur non loin de Dol Amroth mais mon oncle qui m’a élevé était chasseur et non pêcheur, c’est lui qui m’a appris à pister, observer et mémoriser. Et pourtant je suis sur que vous êtes bien meilleure que moi dans l art de trouver votre chemin dans la forêt.
Le regard gris de Sharilaa se fixa sur Beorend.
– Oui, je sais aussi qui vous êtes. Mais ne craignez rien je sais garder un secret. » Puis baissant la voix tout en s’approchant. « Cessons de jouer au chat et à la souris car j’ai la désagréable impression d’être la souris. Je sais aussi qui est votre … sœur, c’est pourquoi j’ai gardé un œil sur vous.  » Beorend leva sa main en signe d’apaisement devant le regard de Sharilaa. « Mais avant de me réduire au silence d’un quelconque sort de sorcière, laissez moi vous raconter mon histoire. »

Beorend pris une nouvelle gorgée de vin et recommença à parler d’une voix plus basse en soutenant le regard de Sharilaa. « Un jour que je n’oublierai jamais, mon oncle fut mandé par un seigneur de la région afin de poursuivre une femme promise à son fils, une femme qui s’était enfuie et dont les cheveux étaient comme ceux de votre sœur. Je l’avais déjà vue de loin et tout le monde la connaissait car elle maniait l’épée et le bouclier mieux que la cuillère et l’aiguille, mais ses cheveux n’avaient pas encore pris cette couleur, et quand je regarde votre sœur je ne vois pas une fille de marchand mais bien cette femme que nous devions poursuivre. Mon oncle fut puni pour avoir laissé sa trace s’évanouir… Il ne voulait certainement pas la rattraper car je l’ai vu délibérément choisir une autre piste à un carrefour qui a mené la troupe durant des jours vers une fausse direction. Quand ils ont voulu le pendre, malgré son regard suppliant me demandant de ne rien dire, je leur ai dit que je savais où il s’était trompé afin qu’il soit épargné. Il fut pendu et je devins le nouvel éclaireur. Mais je n’avais pas son talent et n’ai pu remonter la piste qui s’est perdue parmi d’autres. J’ai eu de la chance, je n’ai pas été pendu. Ils m’ont juste laissé pour mort après m’avoir marqué au fer leur blason sur la poitrine, vous voulez voir ?  »

Et d’un geste il écarta légèrement sa chemise que Sharilaa interrompit brusquement, elle venait de voir une tête de fouine.

sceau de Sharilaa

Tharbad (3)

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Celle qui avait l’habitude de se mettre en avant, de paraître plus imposante qu’elle ne l’était réellement se cachait derrière sa sœur par instinct de survie. Elle tenait la première ligne quand il fallait se battre, elle ne reculait pas devant des adversaires plus grands et plus nombreux, elle attaquait hache au poing si cela s’avérait nécessaire. Mais aujourd’hui, dissimulée par le corps de sa tendre sœur et par le peu de soie qui la couvrait, elle tremblait sans pouvoir se contrôler.

Shaela avait pris une pose songeuse et pour les passants ne faisait que se préparer à son spectacle de musique en mimant les mouvements de ses doigts sur son instrument, les yeux tournés vers le ciel. En réalité un frisson lui parcourait l’échine alors qu’elle sentait son amie blottie tout contre son dos. Elle était en même temps étonnée de ce comportement inhabituel et frustrée de rien pouvoir faire d’autre que rester debout là où elle était. En plus elle ne comprenait rien du tout à ce qui se passait.

Hirilil, dont les poings crispés froissaient le tissus de la houppelande, psalmodiait pour elle même un appel au calme. Elle resta deux longues minutes, le front contre le dos de sa protectrice, sans pourvoir rien faire d’autre. Quand elle put enfin reprendre le dessus sur les tremblements, elle osa risquer un œil par-dessus l’épaule de Shaela. Celle-ci sentit alors la tension sur ses habits se relâcher, un peu.

-« Sha, tu te souviens pourquoi j’ai quitté le Gondor. Tu te souviens des armes du spoliateur, assassin de Père ?

– Chardenet, c’est bien ça ?

– Catenet. Fouine d’argent sur champ de gueule. Je viens de les voir, ici à Tharbad.

– attend voir… »

L’elda ferma les yeux et essaya de se remémorer le blason. En peu de temps elle se rappela un éclair blanc sur un surcot rouge. Les hommes avaient la peau mate et les cheveux noirs. Et oui, elle se rappelait avoir pensé qu’ils étaient des mercenaires du pays de Dun, embauchés par un quelconque notable de la ville. Ses souvenirs n’étaient pas assez précis pour certifier qu’ils avaient bien les traits typiques d’un enfant du Gondor, mais cela était crédible.

– « je vois les personnes dont tu parles. Ils étaient quatre.

– Il me semble, oui. Et si nous rentrions à l’auberge pour en discuter ? Je ne me sens pas bien ici. »

Le trajet de retour vers l’auberge fut au moins deux fois plus long que l’aller, même en marchant d’un bon pas. Shaela guidait, Hirilil la suivait en lui tenant la main, les yeux baissés. Elles firent semblant de ne pas voir les regards interrogateurs des miliciens qu’elles croisèrent près de la fontaine, ni de celui d’Issil qui discutait apparemment affaires avec un bourgeois de la ville, attablé dans la grande salle près de l’escalier qui menait aux chambres.

Ce n’est qu’après fermé la porte en s’adossant contre elle qu’Hiragil put enfin parler. Sharilaa s’était déjà assise sur un tabouret de chêne qui meublait la pièce.

– « Sharilaa, j’ai réfléchi. Il y a déjà plus de trois ans que je suis partie, et le chemin du nord n’est pas celui qu’aurait pris une femme seule. Je ne crois pas qu’ils me cherchent

– c’est probable, d’autant que, si je me rappelle bien, la fouine était cupide, son rejeton aussi. La vengeance est une chose, son coût en est une autre.

– Bien vu. Tu as raison. Mais je ne donnerais pas cher de ma vie s’ils me trouvaient.

– Pourquoi donc ? Tu viens de dire qu’ils ne te cherchaient pas.

– oui, ils ne sont pas là pour moi. Mais tu crois que les jeunes jeune femme de vingt automnes au teint mat, aux cheveux blancs comme la neige et aux yeux froids comme de la glace sont nombreuses ? D’autant que les sergents d’arme survivent plus sûrement aux rigueurs de l’hiver au fond de leur corps de grade chauffé que les paysans dans leur chaumière et que j’ai du laisser derrière moi une émotion certaine. Ils étaient là et ils n’auront pas oublié.

– ils n’auront effectivement pas oublié la fille du Corbeau, répondit l’elfe en acquiesçant gravement. Mais peut être que le fils sera plus attaché à son amour de l’or qu’à son désir de vengeance.

– Mon promis ? Mauvais comme une teigne, et hautain. Il est l’avenir que j’ai fuit en refusant la sécurité des épais murs de pierre. Une moue de dégoût déformant le visage de la gondoréenne venait conclure ces paroles.

– Mais cela ne règle pas le problème de leur présence ici. Que viennent-ils faire à Tharbad ?

– Aucune idée ma belle. Mais je ne crois pas qu’ils soient là pour mesure la hauteur des crues de la Gwathlo.

– Oh ça c’est une surprise ! Sérieusement, tu crois que ce sont des affaires louches ?

– Je ne sais pas. Tu veux aller vérifier ? »

Tharbad (2)

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Alternadh s’approcha tranquillement du chariot que conduisait la jeune et naïve Hirilil :

–  » Nous sommes entrés dans Tharbad par Annon Forth, la porte du nord. Après avoir quitté la voie principale, Menetar, nous avons descendu l’allée Hael puis la rue Lymin jusqu’à la place Heled qui était une place des plus renommée du temps de la grandeur de la ville. C’est en effet ici que se trouvait la guilde des souffleurs de verre, venus de Fornost, qui a fait la réputation de l’artisanat de cette ville. Nous avons cheminé parallèlement au Cherant Echor, le canal-boulevard. Nous avons ainsi évité les quartiers de la nuit, où se passent toutes sortes d’activités licencieuses dès le crépuscule. Je pense que Beorend a fait ce détour exprès pour vous.

– Vraiment vous le pensez Alternadh ? Beorend ne m’a pas l’air ce genre d’homme pourtant. Les affaires avant tout non ?

– Justement, fraîche Hirilil, s’il avait suivi le chemin habituel, par le quartier des troubadours, d’aucuns auraient pu se méprendre sur les marchandises convoyées par la caravane. »

Le marchand appuya cette dernière remarque par un regard plein de sous-entendus à l’adresse de la jeune gondoréenne.

– » Et c’est malheureusement ici que je dois quitter la caravane. Pour ma part, je vais passer sur la rive sud et de là embarquer pour remonter la Gwathlo afin de rentrer chez moi. Hirilil, j’aimerais vous proposer de m’accompagner là bas et d’y attendre le retour de votre père qui vous reprendra à son retour. Cela aura non seulement le mérite de vous faire éviter les aléas de la route, mais en plus je pourrais vous prendre comme apprentie afin de vous former sur les rudes marchés de cette ville. Qu’en pensez vous ?

– Qu’a dit mon père ?

– Je lui en ai parlé hier soir, répondit-il avec un rictus vainqueur. Il m’a dit qu’il ne vous empêcherait pas de partir si tel était votre choix. Je devine donc que cette proposition aurait l’heur d’avoir quelques agréments pour vous. »

Il fit une révérence, la main ouverte vers le ciel, et son mouvement se finit de telle façon que cette main se trouve devant Hiragil qui n’avait plus qu’à poser la sienne dedans pour consentir. La jeune femme considéra un long instant la paume offert, interdite. Alternadh ne broncha pas et maintint sa proposition en gardant sa posture :

–  » Je comprends que…

– Non, Alternadh. Non, je ne viendrai pas. J’ai encore beaucoup à… C’est ainsi. »

Le marchand eut beaucoup de mal à cacher sa déception, et reprit, légèrement pâle

– « Je suis confus, demoiselle Chantechêne. C’est moi je… j’espère que ma proposition ne vous a pas parue déplacée. Et je me permet de maintenir mon invitation si jamais elle vous devenait un jour opportune.

– Vous savez bien que nous ne viendrons pas. Pourquoi insister ? » répondit alors la soeur ainée sur un ton ferme.

Le sourire de contenance du marchand disparut aussitôt et le sang parut fuir tout son visage. Il se détourna et s’éloigna sans plus un mot. Les épaules basses tanguaient au rythme lent de son chariot, bringuebalant sur toutes les imperfections de la voie boueuse.

Il n’y avait qu’une seule auberge sur la place aux orgueilleuses bâtisses fatiguées. Au centre une fontaine d’où l’eau sourdait à peine attirait tous les chalands en quête de relative fraicheur en cette fin de matinée estivale. L’auberge était à l’image de cette ville, oscillante entre vénérabilité et décrépitude, au gré des crues du fleuve.

Issil prit deux chambre pour deux nuits, temps durant lequel la caravane s’arrêterait à Tharbad. L’aubergiste en voyant les deux jeunes sœurs Chantechêne leur déconseilla de sortir seules le soir dans les rues de la ville et surtout d’éviter les docks. Les deux femmes inclinèrent la tête comme pour acquiescer. Elles passèrent d’ailleurs la journée dans leur chambre et ne descendirent dans la salle commune qu’à l’heure du repas, à l’appel de leur père. Beorend était là lui aussi, et il les regardait discrètement en buvant, en mangeant.

Le lendemain matin, elles décidèrent d’aller se promener le long du canal pour se rapprocher du quartier des ménestrels qui ne devait pas présenter de grands risques en plein jour. La plus jeune sortit tête nue, et l’ainée couverte de sa houppelande grise, comme à leur habitude.

Le canal n’était délabré mais résistait, comme toute la cité. L’eau paresseuse se glissait mollement entre les algues qui s’étaient développées sur toute la vase accumulée depuis des siècle d’incurie. Quelques poissons alanguis profitaient de cette manne. Les murs en pierre du canal étaient colonisés par les herbes qui s’employaient à les déchausser à l’aide de leurs petites racines ; certains blocs du bord n’étaient d’ailleurs plus très stables. Des bouts de chaîne en fer rouillées pendaient le long des berges inusitées. L’humidité laissée par la nuit avait séché depuis longtemps sur les pavés désordonnés recouverts d’une fine pellicule verte qui les rendait un peu glissants.

Les deux sœurs bavardaient tranquillement au début, en rimes pour le plus grand plaisir de la plus jeune. Au fur et à mesure qu’elles progressaient, elles n’arrêtaient pas de se montrer des scènes et des vues qui flattaient autant leur sens du vrai que celui de la nostalgie. Shaela venait de montrer un grenier ouvert à Hirilil quand celle-ci s’arrêta brusquement. Elle avait les yeux écarquillés, la bouche entrouverte et les poils dressés sur ses avant-bras dénudés. Elle se glissa contre le mur et dit tout bas  :

– « Cache moi, vite »

Hiragil, fille du Corbeau

Firefern accessible

 

 

Firefern est  accessible au public à cette adresse : http://firefern.rklotro.com
Il est en test sur un serveur donc un peu instable avec des risques de crash. Si vous étiez déjà inscrit, vous devriez récupérer votre compte avec vos titres.
Rathinosk est à l’écoute, n’hésitez pas à lui écrire si vous voyez des petites erreurs ou bug.
Il a déjà fait quelques corrections mineures sur l’ancien firefern. Pour en savoir plus c’est >> ICI<< sur les forums lotro. D’ailleurs voici le lien pour l’update du lecteur abcplayer  compatible avec les correctifs ajoutés sur Firefern.

Il ne vous reste plus qu’à tester et reprendre vos bonnes vieilles habitudes pour transformer vos perles midis en abc.

 

Tharbad (1)

 

Tharbad

Tharbad

Les vestiges d’une porte majestueuse s’élevaient devant le convoi. C’était une sorte de grand bastion bâti légèrement en dehors du mur d’enceinte couronné d’archères et de mâchicoulis dans un tel état de délabrement qu’ils ne servaient certainement que de refuge aux hirondelles. Je distinguai à peine sur les fortifications d’anciens motifs numénoréens. L’étoile symbolisant l’Elendilmir se dessinait évoquant l’ancien royaume d’Arnor. Une pensée réconfortante me frôla tandis qu’un parfum de fleurs printanières envahit mes narines. C’était Hiragil qui revenait les bras chargés d’un bouquet champêtre, le sourire aux lèvres. La porte était toujours fermée, les deux lourds battants étaient de construction récente. Nul motif ne les embellissaient, ils était lourds et fonctionnels.
– C’est une belle journée ! La ville à l’air immense. Je ne m’attendais pas à ça. Tiens prend ce bouquet il est pour toi – dit elle en me tendant les fleurs, l’oeil irisé par l’éclat du soleil qui s’élevait doucement dans le ciel.
– Merci, elle sont magnifiques – Je m’attardai quelques seconde sur le visage d’Hiragil qui resplendissait. Elle avait accroché quelques petites fleurs blanches tissées en guirlande dans ses cheveux blancs. Des fleurs d’Athelas qui parfumaient sa chevelure. Il y en avait aussi dans le bouquet que je tenais dans les mains. J’eu un sourire devant ce signe. Nous nous tenions devant une ancienne ville numénoréenne et l’Athelas, l’herbe des roi y poussait toujours. Hiragil avait naturellement trouvé et aimé cette plante. Avait elle en son sang un peu de cette ancienne noblesse ?
– Alors tu vas rester longtemps la bouche ouverte à me regarder ? Aide moi à monter sur le chariot je crois que les portes s’ouvrent.
– viens- dis je en lui tendant la main et en riant. Ta beauté m’a ébloui. Sais tu quelles sont ces fleurs que tu portes en couronne ?
– non, elles sont jolies hein ? Tu n’aimes pas ? J’aime leur parfum, sens !  me dit elle en plaquant ses cheveux sur mon nez.
– Tiens toi, la caravane avance. Allez prends les rennes, je passe derrière.
Hiragil se saisit des rennes et mis en branle le charriot tout en m’adressant un clin d’oeil.

Tharbad était déroutante. Des bâtisses anciennes et imposantes côtoyaient des ruines et des tentes. Les rues grouillaient, des hommes en armes croisaient des enfants qui courraient et des femmes portant de lourdes charges. Beaucoup semblaient être des mendiants ou des réfugiés, la maigreur et les blessures qu’ils affichaient ne laissaient aucun doute sur leur condition et leur souffrance. L’odeur était à la limite du supportable dans certaines rues. La caravane s’arrêtait de temps en temps pour négocier un passage. J’appris que la ville était divisée en différents territoires chacun avec sa propre gouvernance, la caravane devait s’acquitter des divers droits de passage et des vérifications d’usages. Nous eûmes ainsi le droit à un lot de fouilles et de remarques douteuses provenant de bouches avinés au sourire édenté. Je vis plus d’une fois les mâchoires d’Hiragil se crisper sous le contact d’une main trop curieuse. Heureusement Issil veillait aussi avec deux de ses compagnons, l’arme ostensiblement visible et son regard froid fixé sur les gardes. Le séjour promettait d’être difficile.

©Technochrist

©Technochrist

Firefern

Si vous faites vos propres partitions abc à partir de fichiers midi vous connaissez certainement l’excellent convertisseur Firefern. Malheureusement, Miramar, le développeur et l’hébergeur du système, a décidé d’arrêter de maintenir le service. Mais Rathisnok, un membre de la communauté lui a offert de le reprendre et Miramar a donné a priori son accord.

La communauté de musiciens sur lotro a eu un énorme soupir de soulagement (dont je fais parti) et j’en profite pour remercier les deux protagonistes, Miramar et Rathisnok pour ce dévouement envers notre communauté.
Pour le moment le site firefern n’est pas actif (erreur 404), il est en cours de transfert. Donc ne paniquez pas, patience…. le temps de compacter décompacter, de débugger, cleaner et de mettre en place un forum, cela risque de prendre un peu de temps.

Pour en savoir plus : forum lotro

Le bleuet / Menelluin

menelluin

menelluin

Menelluin ou le bleuet fleurit entre mai et juillet. On le retrouve souvent dans les champs de céréales et fut depuis longtemps prisé pour son bleu profond. Les elfes l’on nommé Menelluin, bleu du ciel. Le bleuet fut choisi comme emblème pour Idril Celebrindal, la mère d’Eärendil. On y lisait « Menelluin Írildeo Ondolindello» (bleuet d’Idril de Gondolin). Cet emblème a été emmené et conservé en Numénor où il fut source d’inspiration des motifs numénoréens. Il fut ensuite ramené en Gondor par Elendil.

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Le bleuet est aussi utilisé pour calmer les irritations des yeux ou de la peau. Certaines cuisinières créatives s’en servent dans des desserts.

En allant à Tharbad (12)

Tharbad

Tharbad

Tharbad, la croisée des chemins en Sindarin, était à l’origine un immense gué sur la Gwathlo qui transformait les alentours en marécages à certaines périodes de l’année, havre des cygnes majestueux que nous, eldars, avions baptisé Nin en Eilph, le port des cygnes, avant de devenir Tharbad, la ville portuaire et une des principale garnison des Numénoréens. Tharbad nous évoquait aussi l’histoire de la rencontre d’Aldarion avec Galadriel. Mais c’est au début du Troisième âge, que Tharbad devint un vrai port accueillant les navires numénoréens et que fut bâtit, par les hommes et les nains, ce gigantesque pont qui enjambait la rivières et les marécages. Tharbad devint ainsi un centre de passage, de commerce entre le sud et le nord, refuge sur la Grande Route Royale reliant les deux grand royaume numénoréens. Tharbad reflétait la puissance et l’opulence des Numénoréens qui s’étaient imposés de force dans la région, matant les tribus Dunlendings. Elle rayonnait sur tout le sud du Cardolan.

Mais Tharbad fut victime de la Grande Peste au milieu du 3eme age qui ravagea le royaume de Cardolan et le Gondor. C’est après ce terrible moment, que Tharbad déclina rapidement. La route royale fut négligée, les brigands affluèrent de plus en plus et les tribus dunlendings récupérèrent leur autonomie. C’est une inondation après un grand hiver qui ruina définitivement Tharbad. Son pont majestueux, âme de la ville, n’y résista pas et une partie des fortifications tombèrent. Le marécage repris ses droits et les cygnes revinrent occuper la région qu’ils avaient désertée sous la pression des Numénoréens défricheurs. On raconte que la ville se reconstruit doucement, occupée aujourd’hui par les hommes, que des barons et maitre de guilde, brigands et commerçants se disputent le pouvoir, qu’on y négocie toutes sortes de choses mêmes les hommes. On y fait fortune aussi vite qu’on perd la vie. La nuit, il n’est pas rare d’entendre des râles agonisants ou le son métallique des lames qui dansent.
Tharbad est riche et dangereuse, et propice au développement de bas instincts nourris par les espions de l’Oeil qui y voit une terre fertile et intéressante. Je comprenais l’appréhension d’Issil et ses nécessaires mises en garde. La prudence était de mise, beaucoup plus qu’ailleurs. Les caravanes étaient rarement prises à partie car elles ravitaillaient la ville mais pas les incidents regrettables qui s’abattaient sur des marchands peu chanceux.
Je regardais la silhouette de la ville se découpant dans la nuit, mystérieuse et menaçante. J’inspirais profondément en pensant qu’il faudrait que je me mêle une fois encore aux hommes en évitant qu’ils ne découvrent ce que je suis. La caravane était alignée, le soleil allait bientôt apparaitre à l’horizon, je rabattis ma capuche sur mon visage tandis qu’Hiragil mettait en branle le chariot en faisant claquer le fouet.

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« Certains étaient allés dans le Nord au-delà des sources de la Fontgrise, jusque dans les Landes d’Etten ; et d’autres, vers l’Ouest, avaient exploré, avec l’aide d’Aragorn et des Rôdeurs, les terres tout le long du Flot Gris jusqu’à Tharbad, où la vieille Route du Nord traversait la rivière près des ruines d’une ville. » Le Seigneur des Anneaux – Livre II – Chapitre 3

© Raphael Lacoste

© Raphael Lacoste

 

Ils vinrent avec les frimas
Avec le Rude Hiver et la pluie perfide
Et l’on entendait leurs pas
Caressant les terres humides

 Ils sont venus pour un soupir
Ils étaient trois
Ils sont venus le recueillir
Un vieux moine, une ombre et un roi

…. (1)

 

Les yeux perdus dans le feu qui crépitait et s’élevait vers la lune, pleine et rousse, je caressais les cordes de mon luth en chantonnant une vieille chanson évoquant la chute de Tharbad.  La caravane approchait des murs de la ville et Berend semblait plus nerveux. La ville avait mauvaise réputation et ses alentours aussi. Des histoire de bandes de pilleurs, de marchands d’esclaves, et autres se racontaient depuis ce matin dans les rangs des marchands. Chacun allant de son histoire pour faire peur ou frémir les autres. La tension était palpable sous les rires trop forts. La caravane s’était disposée en cercle sur une colline qui surplombait les alentours marécageux. Berend avait disposé des torches aux abords afin d’éclairer le campement. Je remarquais qu’Issil portait son épée que je lui avais forgée et qu’il avait enfilé sous sa chemise un pourpoint de cuir renforcé. La caravane comptait de nombreux hommes et notre campement bien situé était suffisamment bien défendu pour qu’une bande viennent s’y risquer, mais je ne connaissais pas la région et d’après Issil, il fallait être extrêmement prudent. Je n’avais remarqué aucun guetteur le long de notre route ni vu quoi que ce soit qui me laissa présager une quelconque embuscade. Mais la nuit apporte toujours sont lot d’ombres dans les esprits, le mien semblait aussi touché et je me demandais pourquoi.
Issil s’était rapproché de Berend et discutait sérieusement avec lui. Je distinguais les yeux de Berend intrigués mais qui acquiesçaient en même temps. Et je vis aussi son regard jeter brièvement un oeil vers moi comme s’il voulait s’assurer d’une intuition. Je me demandais ce qu’il pensait à mon sujet et dans quelle mesure pouvait on lui faire confiance. Hiragil se posa près de moi
– Tout le monde semble nerveux, me dit elle à voix basse. Même Issil semble sur ses gardes.
– mmh
– Je n’aime pas trop ça, je vais voir ce que raconte Issil.
Elle se leva, toujours aussi vive et ne tenant pas en place, elle se dirigea vers Issil avec sa démarche chaloupée qu’aucun regard autour du feu ne rata. Je souris à la pensée de passer inaperçu au sein d’une caravane de marchands avec Hiragil… Je décidais de chanter l’histoire d’Aldarion sixième roi de Numenor.

(1) traduction légèrement modifiée de  Trè d’A Filetta (voir lien youtube sur le blog)

sceau de Sharilaa